La statue équestre du général Dufour
Karl Alfred Lanz (1847-1907)
Statue équestre du Général Dufour
Sculpture en bronze patiné
Dim : non prises faute d’échelle adaptée !!!
Originaire de Berne, mais installé à Paris une partie de sa carrière, Karl Alfred Lanz fut un des sculpteurs suisses les plus côtés de son temps.
A son palmarès, le monument à la gloire de Henri Pestalozzi à Yverdon (pionnier de la pédagogie moderne), la médaille d’or à l’Exposition Universelle de 1889 à Paris, le monument Louis Ruchonnet (grand législateur et conseiller fédéral) à Lausanne, les bustes et sculptures réalisés pour le Musée des Beaux-Arts et le Palais Fédéral de Berne…et évidemment la statue équestre du Général Dufour.
Revenons un peu sur la personnalité de ce dernier :
Le général Guillaume Henri Dufour, que l’on croise et recroise inlassablement, à pied, à vélo ou en voiture, au détour d’un trajet via la place de Neuve, n’est en effet autre qu’un des fondateurs de la Croix Rouge en 1863 et le au combien célèbre héros de la guerre du Sonderbund en 1847, prélude à la naissance de la Suisse moderne dotée d’une nouvelle constitution démocratique (1848). Dans un cas comme dans l’autre, connu pour ses talents stratèges et son empathie pour le sort des blessés aux champs de bataille, dont il avait eu un large aperçu lors de ses études de médecine militaire qu’il effectua avant de rentrer à l’école polytechnique de Paris.
Mais ce que l’on connait moins c’est son grand oeuvre d’ingénieur civil : on lui doit notamment :
– la 1ère carte topographique suisse, qui prendra notamment les pierres du Niton comme référence d’altitude (le plus haut sommet de Suisse, qui culmine à une altitude de 4 634 m, sera baptisé la pointe Dufour à son honneur)
– l’aménagement des quais de la rade (quai des Bergues, Grand-quai, aujourd’hui quai du Général Guisan, pont des Bergues et Ile Rousseau, tels que nous les connaissons encore aujourd’hui)
– celui du jardin botanique dans le parc des Bastions (lequel déménagera en 1904 à son emplacement actuel, laissant alors notamment place au mur des réformateurs)
– le développement de la navigation sur le lac par bateaux à vapeur, à une époque où le chemin de fer n’existait pas encore (inauguration de la première ligne en 1858)
– la création de l’école militaire de Thoune
– l’avènement d’un drapeau militaire qui soit commun pour toute la Suisse en 1840, et qui deviendra en 1889, le drapeau fédéral, enrichi toutefois de quelques modifications de dimensions par le conseil fédéral.
Ce, pour n’en citer que quelques uns….
Du fait de sa victoire au Sonderbund, le général, à son grand dam, se vit le sujet de nombreux honneurs, et d’un exceptionnel marchandising avant l’heure…Il écrira en décembre 1847 « Ces portraits m’assassinent. Mais ce n’est pas tout : il y a maintenant du tabac Dufour, des pipes idem. On fait à Paris des gâteaux Dufour, et cela a l’air d’une mauvaise plaisanterie. Je parais en crème au chocolat… c’est affreux ! »
Et sans oublier le fameux gâteau Général Dufour en mille feuille et glaçage encore confectionné de nos jours par la confiserie Hautlé en Vieille Ville…

Inauguration de la statue du Général Dufour, Place Neuve, le 2 juin 1884
(BGE, Centre d’iconographie genevoise)
Mais les honneurs ne cesseront pas avec sa disparition en 1875.
Neuf ans plus tard, en 1884, une sculpture fut érigée, par souscription nationale, à l’emplacement même de ses bureaux, qui se situait au 1er étage du bâtiment qui formait la monumentale porte Neuve, auquel on accédait par un pont-levis établi sur les larges fossés appelés la grande-mer. Le bâtiment fut démonté en 1853 (l’écusson aux armoiries de Genève qui ornait le fronton du bâtiment est d’ailleurs conservé à la maison Tavel) et les fossés comblés, créant ainsi une vaste esplanade qui deviendra la place de Neuve dont la configuration changera à peine depuis l’érection de la sculpture.

La porte Neuve vue des fossés vers 1850
(BGE, Centre d’iconographie genevoise)
Le choix iconographique du comité qui confia ce projet au sculpteur bernois Karl Alfred Lanz n’est évidemment pas neutre.
Statue équestre, bien entendu, emblème du chef militaire par excellence, qui n’est pas sans nous rappeler les fiers condottieri de la Renaissance italienne.
Mais ici, on veut honorer autant le stratège et victorieux que le pacificateur et génie civil.
Des trois postures cavalières, repos, (les quatre pattes au sol), trot (une patte antérieure levée) et galop (deux pattes levées), c’est en effet la seconde, pouvant être associée à la symbolique de la paix et de la clémence, qui fut choisie pour lui rendre hommage.
Le main droite tendue vers l’avant exprime également une retenue pacificatrice, un geste d’apaisement qui vient composer avec l’image solennelle de la statuaire équestre symbolisant la force militaire.
Et peut-être que dos à la Vieille Ville et face aux plaines de Plainpalais et aux prés des Acacias, alors en plein essor commercial, ne forme t-il pas l’écho de l’ouverture et du fort développement de Genève tout en observant du haut de son fier piédestal les incessants fracas et bouleversements de l’histoire.
——
Lieu:
Place Neuve
1204, Genève, Suisse
Leave a Reply