Introduction
Pourquoi ne pas s’autoriser une bien trop rare promenade géographique, historique et culturelle de Genève à travers l’historiographie de la statuaire publique genevoise, à la découverte des anecdotes, histoires, contes, aventures et pourquoi pas légendes qui se cachent derrière chaque sculpture qui orne notre cité.
La statuaire publique genevoise tient une place bien particulière dans le rapport qu’entretient la ville avec ce media:
culture et mécénat, art, urbanisation et espaces publics, politique quant elle sert une volonté historique ou une propagande, commémoration, hommage à la personnalité publique.
L’urbanisation genevoise pour commencer, liée entre autre à l’histoire de son immigration, est pour le moins hiératique et explique tout aussi bien la diversité architecturale que son hétérogénéité.
La grande bourgeoisie et aristocratie des XVIII et XIXèmes siècle, d’une part, propriétaire d’hôtels particuliers sur le modèle parisien, ou de grandes propriétés de bord du lac ou des campagnes avoisinantes, ont laissé à la postérité d’immenses parcs et espaces boisés, dont une partie est devenu domaine public par donation. Les raisons sont diverses mais on peut retenir ici l’exemple de certains héritiers qui, craignant le démantèlement de ces grands domaines au moment de l’urbanisation, léguèrent à l’état leur propriété. Retenons William Favre, qui léguera son domaine de La Grange de 20 hectares au début du XXe siècle, à la condition expresse que le Plan directeur de morcellement et d’extension des Eaux-Vives, qui aurait démantelé sa propriété, ne soit jamais exécuté.
Les progrès technologiques, économiques et sociaux du XIXème siècle et du tournant du 20ème siècle, ainsi que l’Exposition Nationale de 1896, ont également participé à redéfinir le paysage urbain de Genève avec notamment l’aménagement des quais et des plaines de Plainpalais, qui d’île devint marécage, pâturage puis esplanade.
L’importante immigration des années 30 à 70 d’autre part, apporte un flux démographique qu’il faut endiguer à renforts d’immeubles de rapports modernes, construits sur la base des doctrines modernistes et fonctionnelles qui n’avaient pas oublié les leçons d’un Le Corbusier dans sa volonté de replacer l’homme au centre de son habitation et de son environnement. Ce ne fut pas toujours réussi mais eu le grand mérite de laisser la part belle aux espaces verts par ailleurs préexistants.
Ces fameux espaces verts, qui rajoutés à ceux hérités de nos illustres grands bourgeois au gré des successions et donations font de la ville de Genève un important terrain privilégié pour nos sculpteurs du XIXème siècle à nos jours et leur commanditaires la dotant ainsi d’un nouveau « mobilier urbain ».
Car on ne peut expliquer cette floraison sculpturale sans aborder la question primordiale de la commande publique et du mécénat.
Au XIXème siècle, ces notions sont étroitement liés du fait de la multiplication des commandes de monuments patriotiques, favorisée par le renforcement d’un sentiment national nouveau à l’heure ou la confédération dessine ses contours définitifs. Nés d’initiative privées, ces monuments sont réalisés grâce à des souscriptions publiques. Si la tendance débute dès la 1ère moitié du siècle, c’est à partir de la constitution de 1848 et ce jusqu’au début du XXème siècle, que chaque canton commence à se doter de monuments destinés à renforcer leur identité tant historique, culturelle que politique, choisissant des figures ou symboliques fortes tels que, à Genève, le général Dufour, les réformateurs, ou la Combourgeoisie.
Le début du XXème siècle et l’entre deux guerre surtout voit les pouvoirs publics se détacher peu à peu de l’art et de la statuaire à la fois par impératifs économiques que par manque d’intérêt, comme le dénote l’exception du pour-cent culturel institué dans les années 30 pour faire face à la misère des artistes durement impactés par les crises de 1921 et de 1929, seule intervention étatique de poids en la matière.
Car si à l’inverse de cette tendance se développe la commande privée, grâce à l’ouverture de la fonderie d’art Mario Pastori en 1919 favorisant alors l’émergence du bronze face à la taille directe et renforçant ainsi l’intérêt des genevois pour la sculpture, l’état quand à lui doit répondre aux préoccupations nationales et internationales d’un monde qui se débat face à la profonde mutation de ses structures sociales, économiques et politiques.
En parallèle de ce désintérêt publique, les préoccupations intellectuelles de redéfinition de la sculpture ont également détourné les sculpteurs des années 20 à 50 de la problématique de la commande publique.
Il faudra attendre la fin des années 50 pour que la sculpture bénéficie d’un regain d’intérêt, grâce notamment aux expositions en plein air initiées par la fondation des expositions suisses de sculpture (ESS) de Bienne, dont la 1ère édition eut lieu en 1954.
La statuaire publique, issue des mêmes principes de commandes que le siècle précédent, mais laissant désormais place aux réalisations éphémères, est alors libérée de son joug politique ou du moins de sa fonction déclarative ou commémorative. Les thèmes varient déployant des sujets intimistes, animaliers, abstraits, parfois les trois en même temps, et tant d’autres encore, jusqu’au très récent monstre Frankenstein installé à Plainpalais.
La statuaire épouse ainsi les contours d’une ville en plein essor et prend possession de cette urbanisation qui s’est dotée comme nous l’avons vu de nombreux parcs et bâtiments nouveaux, musées, universités, gares, postes, tribunaux, théâtres, etc…ainsi que de ses jardins et parcs privés mais nous ne traiterons ici que la statuaire publique.
Comment ne pas commencer cette aventure par le plus emblématique des monuments à savoir le mur des réformateurs ou plus doctement nommé le monument international de la Réformation: